Semmelweiss, le médecin avant-gardiste de la
maternité de Vienne, seul contre tous en 1840... pour faire écho à la situation du Pr. RAOULT
Semmelweiss, te retournes-tu dans ta tombe ? Entends-tu les spots publicitaires sur le lavage minutieux de nos mains pour lutter contre la contagion. Ce doit être tragicomique pour toi ! Tu as été le premier à le dire, tu avais raison avant tout le monde, mais tu dérangeais trop, tu n’as pas pu imposer tes idées.
Pourtant, tu y as passé toute ta vie, toutes tes forces. Tu n’as jamais pu te résigner à la mort de tant de femmes en couches. 20% au pire du 19ème s. Tu étais révolté que le moment de la vie soit aussi celui de la mort. Alors tu as cherché par où pouvait venir cette mort.
Quelle idée t’a pris de ne pas penser comme on le faisait à l’époque. Pourquoi ne t’es-tu pas contenté de croire que la fièvre qui emportait les femmes après l’accouchement venait d’elles-mêmes, de la lactation par exemple ?
J’ai toujours une pensée émue pour ceux qui ont eu raison avant les autres, qui ont lutté toute leur vie pour le prouver et qui parfois en sont morts…
C’est le cas de Semmelweiss, ce jeune hongrois qui devient médecin par vocation véritable.
Il travaille à la maternité de Vienne qui est organisée en 2 services. L’un est géré par les sages-femmes et l’autre par les étudiants en médecine. Dans ce dernier, la mortalité maternelle est 3 fois supérieure et ça lui est insupportable.
Il commence des observations très précises, détaille tous les paramètres. Il fait des statistiques. Les femmes sont orientées de façon aléatoire. Quand le sort tombe du mauvais côté, certaines refusent même d’entrer. Semmelweiss constate que, curieusement, les femmes qui accouchent dans la rue ou chez elles, sont moins sujettes à cette fièvre que les frères Goncourt nomment « la peste noire des femmes ». Ces femmes n’ont donc pas d’examen gynécologique. C’est une première différence. Il étudie bien sûr tous les paramètres liés au lieu, à l’air, au linge, à la nourriture, etc. Il observe même les conditions psychologiques, comme par exemple le passage de l’aumônier devant les accouchées pour se rendre à la chapelle où reposaient les dernières victimes !
Il se rend à l’évidence : la seule différences entre les deux services, c’est que les étudiants en médecine sont seuls à pratiquer les autopsies. Un hasard « heureux » lui confirme que la piste est bonne. Un médecin se coupe le doigt pendant une autopsie et sa main s’infecte. Il sait que les médecins peuvent passer d’une autopsie à un accouchement. Serait-il possible que ce soit le médecin qui transporte la cause du mal ? Faudrait-il que ses ongles soient coupés, qu’il se brosse soigneusement les mains avec des désinfectants, et même qu’il laisse passer du temps quand il a fait une autopsie, et même qu’il se relave les mains entre deux examens gynécologiques ?
Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté… chantait à juste titre Guy Béart
Ce qui nous semble évident aujourd’hui ne l’est pas du tout à l’époque. Au contraire Semmelweiss soulève l’opposition de ses pairs. Quelle idée saugrenue de prêter attention aux mains des soignants ! Il n’est pas en position de force. Il est jeune, étranger et seulement assistant. Ses idées bousculent les habitudes des soignants, elles font de l’ombre à son supérieur, elles portent atteinte à la prestigieuse école de médecine de Vienne. L’élite médicale a bien sûr des liens et des appuis avec les dirigeants, les politiques. Il se retrouve au milieu de querelles intestines entre conservateurs et progressistes, entre grands noms. La médecine est à un tournant de son évolution, elle tente de passer de la théorie des humeurs à des raisonnements physiopathologiques.
Il aura beau prouver qu’en respectant cette hygiène des mains la mortalité baisse, rien n’y fera. On s’en tiendra à la thèse officielle : la fièvre puerpérale est due aux conditions cosmiques, telluriques et hygrométrique du lieu, à l’encombrement des salles et peut-être… aux examens plus brusques des hommes et leur fréquente utilisation d’instruments.
Semmelweiss est remercié en 1849. Il s’acharne malgré tout et continue ses études, si bien qu’on en vient même à lui interdire la consultation des archives… Il peut continuer ses cours d’obstétrique mais seulement sur des mannequins !
SEMMELWEISS a été interné et il est mort en 1865 à 47 ans, rejeté. On donne plusieurs causes à sa mort, dont une septicémie, un comble ! Il n’a pas eu le temps de savoir que ses travaux changeraient un jour complètement la vie des femmes et bien au-delà. Et s’il avait trouvé le véhicule de la maladie, d’autres allaient trouver le pourquoi.
La fièvre puerpérale a toujours existé, mais... elle a connu ses plus beaux jours au milieu du 17ème siècle avec la médicalisation de l'accouchement, le développement de l'obstétrique, les maternités. Ironie du sort, ce qui se voulait un progrès eut un revers très dommageable pour les femmes...
L’idée était dans l’air…
Un siècle plus tôt, Alexander Gordon avait eu la même conviction sur les mains des médecins. Aux USA, Oliver Wendell Holmes, en 1843, a fait les mêmes observations que Semmelweiss. Lui aussi a été contesté et il a quitté la médecine. Les arguments qui lui ont été opposés par des obtétriciens nous paraissent totalement grotesques aujourd’hui :
« Les médecins sont des gentlemen, les mains des gentlemen sont propres » !!!!
"Il n'est rien au monde d'aussi puissant qu'une idée dont l'heure est venue." Victor Hugo
"Si une idée ne paraît pas d'abord absurde, alors il n'y a aucun espoir qu'elle devienne quelque chose." Albert Einstein
J'ai choisi cette histoire qui fait parfaitement écho aux querelles actuelles autour du Pr RAOULT.
Au lieu d'écouter les commentaires raccourcis, mieux vaut aller à la source pour écouter ce qu'il dit lui-même en particulier sur son cadre de pensée sur la méthodologie scientifique. Sans ça, on reste englué dans une polémique stérile.
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